samedi, 18 avril 2020 20:11

AMR en matière douanière : délai de recours en cas d’une décision implicite de rejet

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Dans une décision du 15 janvier 2019, la Cour d’Appel de Nancy précise qu’à défaut de délai particulier prévu par le Code des douanes, il résulte des articles 346 et 347 du même code qu’à défaut de réponse de l’Administration douanière dans le délai de 6 mois suite à la contestation d’un avis de mise en recouvrement (AMR), le redevable dispose d’un délai de 5 ans pour saisir le TGI (CA Nancy, 15 janv. 2019, nº 18/01317, Hasbro c/ Direction régionale des douanes et droits indirects de Lorraine). ).

Conformément aux dispositions de l’article 346 du Code des douanes, le délai pour contester un avis de mise en recouvrement est de 3 ans à compter de sa notification.

 

Cette contestation s’effectue auprès de l’autorité qui a émis ledit avis.

Le directeur régional des douanes dispose d’un délai de six mois à compter de sa réception pour y répondre.

L’article 347 du même code dispose que « dans le délai de deux mois suivant la réception de la réponse du directeur régional des douanes ou, à défaut de réponse, à l'expiration du délai de six mois prévu à l'article précédent, le redevable peut saisir le tribunal de grande instance ».

En vertu de ces dispositions, le redevable dispose donc d’un délai de 2 mois pour saisir le TGI en présence d’une réponse expresse de l’Administration des douanes.

En revanche, aucun délai particulier n’est prévu pour saisir le TGI dans l’hypothèse d’une décision implicite de rejet, c’est-à-dire en cas de silence gardé par l’Administration pendant 6 mois.

Il faut donc considérer que le recours peut être effectué à tout moment, si ce n’est la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du Code civil.

C’est ce qu’à jugé la Cour d’Appel de Nancy dans son arrêt du 15 janvier 2019.

Dans cette affaire, suite à un contrôle portant sur la régularité des opérations d'importation de jouets, une société s’était vue notifier, par un procès-verbal du 17 juillet 2013, plusieurs infractions de fausse déclaration d’espèce tarifaire et de valeurs lors de l’importation de produits. L’enjeu était de taille puisque les droits et taxes prétendument éludés s’élevaient à 1 942 427 euros. Ce procès-verbal avait été suivi d’un avis de mise en recouvrement en date du 30 juillet 2013.

La société avait contesté cet AMR auprès du directeur régional des douanes, qui en avait accusé réception le 7 août 2013. Elle avait par ailleurs saisi la CCED (Commission de conciliation et d’Expertise Douanière), qui avait rendu son avis le 22 mars 2016, notifié aux parties le 13 mai 2016.

La contestation de l’AMR étant restée sans réponse dans le délai de 6 mois, la société a assigné la D.R.D.D.I devant le TGI de Nancy le 19 janvier 2017, qui a déclaré son action irrecevable car atteinte par la prescription prévue par l’article 347 du Code des douanes.

Les juges ont en effet considéré qu’en application des articles 346 et 347 du Code des douanes, la société disposait d’un délai de deux mois à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la notification de l’avis de la CCED, soit un délai qui expirait le 14 janvier 2017.

Or, la saisine de la CCED ne vaut pas contestation de l’AMR et son avis ne peut donc pas constituer une réponse à la contestation formulée par le redevable, telle que visée par les articles 346 et 347 du Code des douanes.

En l’espèce, la contestation était restée sans réponse dans le délai de 6 mois.

La Cour d’Appel de Nancy a donc infirmé la décision des juges de premier ressort. Elle relève dans sa décision qu’ « à défaut de réponse, ce recours peut être effectué à l'expiration du délai de six mois octroyé à l'administration pour répondre ; ce délai de six mois constitue un point de départ pour être apte à saisir le tribunal de grande instance d'un recours ;en revanche l'analyse des premiers juges est erronée, en ce qu'ils ont considéré que dans cette hypothèse, le délai de recours était applicable alors qu'il ne concerne que l'hypothèse dans laquelle une réponse expresse a été donnée au recours, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Ainsi, la demande formulée le 19 janvier 2017 a été formulée à l'expiration du délai de six mois à compter de la décision de la CCED du 22 mars 2016 ; en raison de l'absence d'application de délai particulier, à l'exception du délai de droit commun issu de l'article 2224 du code civil, il y a lieu de déclarer recevable la demande, aucune fin de non recevoir n'étant justifiée».

La situation est donc la même qu’en matière fiscale, comme la rappelé récemment le Conseil d’Etat dans une décision du 8 février 2019 aux termes de laquelle il a jugé que « le délai de recours contentieux ne peut courir à l’encontre du contribuable tant qu’une décision expresse de rejet de sa réclamation ne lui a pas été régulièrement notifiée » (Conseil d’Etat, 8 février 2019, n° 406555, SARL Nick Danese Applied Research).

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