Le crédit d'impôt pour investissement en Corse expire au 31 décembre 2020. Les entreprises qui n'auront pas achevé leurs travaux à cette date risquent-elles de se voir refuser le crédit d'impôt ?
Rappel du dispositif
Prévu à l’article 244 quindecies du CGI, ce dispositif permet aux petites et moyennes entreprises qui réalisent certains investissements de bénéficier d’un crédit d’impôt de 20 % du prix de revient des investissements.
Ce taux est augmenté à 30 % pour les TPE sous les conditions suivantes :
- Moins de onze salariés
- CA ou total bilan n’excédant pas 2 millions d’euros
- Capital entièrement libéré et détenu de manière continue pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une ou plusieurs sociétés satisfaisant aux mêmes conditions d’effectif, de CA ou total du bilan, et dont le capital, entièrement libéré, est directement détenu pour au mois 75 % par des personnes physiques
Rappelons que, depuis le 1er janvier 2019, sont exclues de ce dispositif les activités de gestion et de location de meublés de tourisme, entendue, pour cette dernière activité, au sens de l’article L 324-1-1 du Code du tourisme. Ce qui voudrait dire que les activités de locations meublées assorties de prestations para-hôtelières demeurent éligibles.
Pour ouvrir droit au crédit d’impôt, les investissements doivent être réalisés au plus tard le 31 décembre 2020, période à laquelle prend fin le dispositif, étant précisé que pour les constructions, la date à retenir est celle de l’achèvement.
Quid du crédit d’impôt si, du fait de la pandémie de coronavirus (COVID-19), les travaux ne sont pas achevés au 31 décembre 2020
Bon nombre de professionnels, notamment dans l’hôtellerie et la restauration, ont entrepris des travaux qui, du fait de la pandémie, risquent fort de ne pas être achevés au 31 décembre 2020.
Outre les charges auxquelles ils vont devoir faire face, qui demeurent à ce jour reportées et non annulées, malgré les effets d’annonce, le refus par l’Administration de leur octroyer le crédit d’impôt du fait du non-achèvement à la date butoir serait catastrophique.
Bien entendu, les députés Corses vont se mobiliser afin que le dispositif soit prorogé, voire étendu à un plus grand nombre d’agents économiques, avec peut-être une augmentation du taux au-delà de 30 %.
Pour l’heure, il n’est pas certain, compte tenu de la situation financière exsangue de l’Etat, que ces députés soient entendus. Il est donc vivement recommandé de transmettre à l’Administration une demande de rescrit, et d’invoquer la force majeure.
Dans le cadre du dispositif « PINEL », où les logements d’habitation doivent être achevés dans un délai de 30 jours, l’Administration fiscale a admis que le délai puisse être prorogé d’un délai égal à celui durant lequel les travaux interrompus à cause d’un cas de force majeure, qui était constitué en l’espèce par un arrêt municipal de péril empêchant la poursuite des travaux (BOI-RES-000005-20180713).
Cette décision ne revêt pas un caractère automatique, et en conséquence chaque société concernée devra faire une demande de rescrit.
Le COVID-19 constitue-t-il un cas de force majeure ?
Conformément aux dispositions de l’article 1218 du Code civil, la force majeure désigne « un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées » et empêchant « l’exécution de son obligation par le débiteur ».
En matière d’épidémie, la jurisprudence existante a tendance à ne pas reconnaître le caractère de force majeure.
Cela étant, pour le covid-19, la situation est différente, du fait de l’ampleur et de la gravité du phénomène, mais aussi du fait de la déclaration par l’OMS du 30 janvier 2020, qui a considéré que le covid-19 constituait une urgence de santé publique de portée internationale.
A noter que la Cour de Colmar, dans un arrêt du 12 mars 2020 (Colmar, 6e ch., 12 mars 2020, n° 20/01098) a qualifié le risque de contagion par le covid-19 de force majeure dans le cadre d’une rétention administrative.
En conséquence, s’il existe un risque que les travaux engagés ne soient pas achevés au 31 décembre 2020, une demande de rescrit est donc tout à fait envisageable, sous réserve, pour obtenir une réponse favorable, qu’elle soit particulièrement circonstanciée.
Il faudra en effet non seulement caractériser la force majeure mais également le lien de causalité entre la suspension des travaux et l’impossibilité de leur achèvement au 31 décembre 2020.
Dans l’hypothèse d’une fin de non-recevoir de la part de l’Administration fiscale, il conviendra de saisir le Tribunal Administratif.